vendredi 5 octobre 2018

ACHATS OCTOBRE 2018




Un monde à portée de main

Auteurs : KERANGAL Maylis de
Paris : Gallimard, 2018
288p. env. Collection : Verticales


Formés à l'Institut supérieur de peinture de Bruxelles, Paula, Jonas et Kate forment un trio soudé par de riches mois d'apprentissage. Les sinus mis à vif par les solvants, le dos cassé par la cambrure, ils ont appris à connaître leur corps. Devenus artistes du trompe-l'oeil, ils suivent des voies différentes sans se perdre. Entre deux escales chez ses parents, Paula voyage d'un chantier à l'autre, de Moscou aux studios de Cinecittà, de Paris à Lascaux.
Maylis de Kerangal (Réparer les vivants, NB février 2014) s'empare d'un sujet pictural jugé mineur, le dote de la puissance du romanesque et transmet à sa plume la délicatesse du pinceau. Sur sa palette un semis de nuances, un vocabulaire rigoureux et une combinaison de mots pour créer la vision. Écaille de tortue ou veine du marbre Portor, chaque copie demande d'habiter le modèle, d'acquérir ce geste où technique et humilité se confondent. En un champ contre-champ, calée dans son écriture phénoménologique dont les longues phrases sont parfois volubiles à l'extrême, la romancière donne au temps d'apprentissage toute sa poésie, devenant plus pédagogique sur les chantiers professionnels. Et par-delà l'émerveillement devant la réalisation, s'attarde le dilemme du copiste s'effaçant devant le modèle… (Maje et B.Bo.)
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Passage des ombres (Trilogie des ombres ; 3)

Auteurs : INDRIDASON Arnaldur
Trad. de l' islandais par Éric Boury.
Paris : Ed. Métailié, 2018
300p. Collection : noir

Seul, âgé de quatre-vingt-dix ans, Thorson, est trouvé mort dans son lit, étouffé par un oreiller. L'inspecteur Konrad découvre chez lui de vieilles coupures de presse sur une affaire datant de 1944 : le corps d'une jeune couturière avait été retrouvé près du Passage des ombres où Konrad a grandi, près d'un père brutal et escroc. À l'époque, Thorson, policier militaire canadien d'origine islandaise, et Flavent, son collègue islandais, avaient mené l'enquête et croyaient avoir trouvé le coupable…
Ce livre est le troisième et dernier tome d'une trilogie (La femme de l'ombre (Trilogie des ombres ; 2), NB novembre 2017) consacrée aux années quarante pendant lesquelles l'Islande – encore rattachée au Danemark – était envahie de soldats américains en attente du débarquement, à la fin de la seconde guerre mondiale. Pendant « la situation », les jeunes filles se laissaient facilement séduire par les mensonges de beaux garçons en uniforme et, dans les campagnes, les elfes étaient connus pour leurs attaques brutales ! Par chapitres intercalés, l'auteur remonte le temps, multipliant les personnages et les détails parfois superflus, mêlant passé et présent. La construction hachée et le suspense artificiellement maintenu risquent de décevoir. (C.-M.M. et A.Be.)
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Dernier été pour Lisa

Auteurs : CAMILLERI Andrea
Trad. de l' italien par Serge Quadruppani.
Paris : Fleuve Éditions, 2018
237p. Collection : Fleuve noir


On les appelle " les Inséparables " : Lisa, Nick et Ethan, trois adolescents qui grandissent ensemble près du lac Michigan, dans une bourgade du Wisconsin. À la fin de l'été 2004, leur paisible existence vole en éclats : Lisa est retrouvée assassinée sur la plage. Après une enquête bâclée, Ethan, son petit ami, est arrêté et condamné à la prison à vie.

Douze ans plus tard, installé à New York, Nick est devenu un écrivain à succès. Mais les fantômes du passé ne sont pas près de le laisser en paix : contre toute attente, Ethan vient d'être remis en liberté. De retour dans sa ville natale, Nick va devoir affronter l'hostilité des habitants, toujours convaincus de la culpabilité de son ami. Pour innocenter définitivement son ami et parvenir à se reconstruire, il n'aura d'autre choix que de faire la lumière sur la mort de Lisa et de retrouver le véritable meurtrier.


Nid de vipères : une enquête du commissaire Montalbano

Auteurs : CAMILLERI Andrea
Trad. de l' italien par Serge Quadruppani.
Paris : Fleuve Éditions, 2018
237p. Collection : Fleuve noir
Un matin, le commissaire Montalbano trouve un vagabond sous sa véranda. Le temps de lui offrir un café, il est appelé pour le meurtre du comptable Barletta. L'analyse scientifique révèle que l'homme a été tué deux fois. Barletta usurier, prédateur sexuel, père abusif a d'abord été empoisonné puis a reçu une balle dans la tête par quelqu'un qui le croyait encore vivant. Les deux enfants du défunt s'évitent depuis longtemps pour des questions de succession. Les langues se délient, cet assassinat ressemble à règlement de comptes tant les rancoeurs sont variées.
Publié en 2008, ce roman développe les liens troubles et complexes tissés dans une même famille. La recherche d'éléments nouveaux est parfois poussée, la présence du vagabond superflue et l'intrigue n'est pas très compliquée. La lecture peut paraître ardue en raison d'une traduction volontairement colorée mêlant le dialecte sicilien et quelques expressions locales. Cependant l'univers typique et réjouissant d'Andrea Camilleri (Noli me tangere : ne me touche pas, NB juillet-août 2018) a cette même saveur, drôle et tragique à la fois. Son goût pour les belles femmes est toujours aussi prononcé ainsi que celui des plaisirs culinaires et l'atmosphère du petit commissariat sicilien et de ses sbires est toujours aussi amusante. (C.M. et L.C.)
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La terre des morts

Auteurs : GRANGÉ Jean-Christophe
Paris : Albin Michel, 2018
553p. env.
Le commandant de police Corso est chargé de l'enquête sur les meurtres similaires, particulièrement odieux, de deux jeunes strip-teaseuses. Grâce à une équipe performante, son enquête le mène sur la trace d'un ex-taulard assassin, violeur pervers, devenu depuis un peintre reconnu. Corso le croit coupable même si des témoins confirment les alibis du voyou et démontent l'une après l'autre ses conclusions. Obstination stérile ? Un tout autre scénario s'impose bientôt…
Rares sont les polars qui offrent une lecture de plus de 550 pages sans que la complexité des personnages et le nombre des rebondissements ne fassent faiblir l'intérêt. Ici une économie de moyens remarquablement maîtrisée par l'auteur (Congo Requiem, NB juillet-août 2016) démontre l'inverse. Un seul point de vue, celui d'un enquêteur expérimenté, implacable malgré ses échecs, domine ce récit sobre, précis, glaçant. Des dialogues entre des personnages percutants, campés d'un simple trait de plume, animent une mécanique romanesque sans faille. Corso avance malgré les pièges quotidiens, les contradictions de sa vie privée et la fatigue. Il n'y a ni gagnant ni perdant, juste un équilibre entre l'horreur, la manipulation sournoise, l'ironie des faits et la volonté féroce d'un bon professionnel qui pourtant ne cesse de se tromper. (A.Lec. et B.T.)
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Chien-loup

Auteur : Serge JONCOUR
Editeur Flammarion

A un siècle de distance, deux histoires se déroulent à Orcières un petit village perdu du Lot :

En 2017 un couple de parisiens Frank et Lise loue une maison au sommet de la colline surplombant le village. Cet été, Lise a décidé qu'ils partiraient à deux, sans amis. L'année a été difficile, elle veut « se retrouver ». Elle a choisi une maison coupée de tout, sans téléphone et sans réseau. Pour Franck, producteur ultra-connecté, accro à ses mails et stressé par des soucis professionnels c'est une épreuve, qu'il redoute mais finit par accepter.
Trois semaines à l'écart de toute civilisation, dans une nature sauvage et magnifique, le gîte semble n'appartenir à personne. Un chien-loup sans collier les observe.
Pendant la Première Guerre mondiale, l'histoire d'un dompteur allemand qui se réfugie avec ses fauves malgré l'hostilité et la peur des villageois du bas dans cette même maison qui semble maudite. L'auteur raconte vie du village et le courage des femmes qui ont pris les choses en main au départ de leurs maris pour le front.
Comment tout cela s'est-il terminé il y a 100 ans ? Qui est ce chien-loup ? Que va-t-il
arriver au couple parisien ?

Le romancier alterne les deux périodes, à chaque chapitre, pour raconter la violence de la guerre, la sauvagerie, les peurs et les angoisses. Il revient sur l'histoire mouvementée du village tout en suivant l'adaptation du couple à cette nature qui finit par les fasciner et les rapprocher.


Dix-sept ans

Auteurs : FOTTORINO Éric
Paris : Gallimard, 2018
272p. env. Collection : Blanche



Un dimanche, Lina, déjà âgée, réunit ses trois fils, adultes avancés dans la vie, pour leur révéler son secret, lourd à porter depuis tant d'années : elle a dû abandonner à la naissance une petite fille pour éviter la honte à sa famille. Éric, le fils aîné, se souvient que lui aussi est né sans père. Il part à Nice, sa ville natale, sur les traces de son passé et de celui de cette jeune fille de dix-sept ans qui le mit au monde.
Après avoir écrit sur ses deux pères, le génétique et l'adoptif, Éric Fottorino (Trois jours avec Norman Jail, NB mars 2016) lance un cri d'amour à sa mère. Ce beau récit – roman ? – sur la filiation met en lumière, avec pudeur et émotion, les difficultés d'être une mère célibataire dans les années 1950. Il parle de la rupture qui mène à l'âge adulte ; les mots pour dire l'enfance aux odeurs de confitures de mûres, sont des perles sur le fil de phrases qui chantent aussi les paysages aimés. Avec un sens de la formule, des jeux de mots presque lacaniens, l'auteur rend également un hommage vibrant aux villes de sa vie : Nice et Bordeaux. (B.Bo. et S.D.)
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Les bracassés

Auteur : Marie-Sabine ROGER
Editeur : éditions du Rouergue, 2018

Fleur est une vieille femme obèse, qui vit recluse dans son appartement de la rue des Soupirs, avec pour seule,compagnie Mylord, son petit,chien. Elle est atteinte d'angoisse sociale, ou d'agoraphobie, selon les,psys qu'elle fréquente. Sa journée ne peut commencer sans ses anxiolytiques. La vie est un danger permanent pour elle qui se méfie de tout et de tout le monde. Mais malgré ses 76 ans, elle est un peu fleur bleue et amoureuse de son psy le docteur Borodine.
Harmonie est une jeune femme de 29 ans, qui se sent inapte à intégrer la société. Elle est atteinte du syndrome de Gilles de la Tourette, ses gestes sont désordonnés, elle aboie dans les moments de stress et prononce des gros mots sans pouvoir se contrôler. Pour elle, le regard des autres est difficile à affronter. Heureusement, Freddie, son petit-ami, la couve et la protège.
Rien ne destinait ces deux femmes à se rencontrer. Pourtant, c'est une petite annonce qui va provoquer cette rencontre d'abord catastrophique. Fleur cherche une aide qui surveillerait son chien pendant qu'elle se rend chez le docteur Borodine. Harmonie cherche depuis longtemps un petit emploi pour occuper ses longues journées d'ennui. Stressée, elle déclenche une crise sur le palier de l'appartement de Fleur, qui paniquée, lui referme sur le bras sa porte blindée. Ce sera une double fracture pour Harmonie : celle de son bras et celle de son couple. Freddie aura un mot malheureux, s'emportera contre les « bras cassés ». Blessée, Harmonie le quitte et sans domicile, finit par s'installer chez Fleur.
Autour d'elles gravite une galerie de personnages, tous plus attachants les uns que les autres mais socialement exclus: Mr Poussin, le vieux photographe de 103 ans, Elvire, la jeune fille aux yeux insaisissables, Tonton, la femme virile poissonnière et sculpteur.
Ce petit groupe de « bracassées » entre en résistance et lutte contre l'exclusion sociale en formant une petite collectivité soudée, qui se soutient, apprend à rire de ses différences et à se faire accepter.

Une histoire sensible, tendre et drôle sur les différences et la tolérance.


Les prénoms épicènes

Auteurs : NOTHOMB Amélie
Paris : Albin Michel, 2018
154p.



L'existence de Claude change brutalement quand sa compagne lui apprend qu'elle le quitte pour un homme plus brillant et « pour mener la grande vie à Paris ». « Il ne décolère pas… ». Peu après il rencontre à la terrasse d'un café Dominique, une jeune et ravissante inconnue. Bientôt les invitations se succèdent, très vite suivies d'un mariage puis de la naissance d'une petite Épicène. Que réserve le futur à ce trio ?
Dans ce vingt-septième livre, Amélie Nothomb (Frappe-toi le coeur, NB octobre 2017) s'attaque à nouveau aux relations affectives entre époux et entre parents et enfants. Elle joue, avec une certaine habileté, avec les prénoms respectifs des protagonistes et avec des références littéraires qui expliquent le titre du roman. Prénoms dits « épicènes » car ils peuvent être portés à la fois par une femme ou un homme. Elle crée à l'envi des situations paroxystiques sur fond d'amour et de haine et l'ambiguïté entre les sexes apparaît en filigrane. Sont égratignés au passage le milieu bourgeois chic de certains quartiers parisiens et le monde de l'entreprise. L'écriture, souvent vive, permet une lecture facile de ce conte moderne soutenu par quelques maximes plutôt bien senties.  (A.-M.D. et A.K.)
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La vraie vie

Auteurs : DIEUDONNÉ Adeline
Paris : L'Iconoclaste, 2018
265p.


Elle a dix ans et son frère Gilles, six. Leur mère est un ectoplasme sans volonté, leur père un chasseur pervers et violent qui tabasse régulièrement sa femme. Dans leur pavillon moche, l'ambiance est oppressante et dans la « chambre des cadavres » s'exposent les trophées paternels. Inséparables, les deux enfants s'inventent un monde chez un ferrailleur voisin... Soudain, un épouvantable accident rompt l'équilibre fragile. Adolescente, elle se passionne pour la physique quantique. Elle voudrait remonter le temps, faire marche arrière, réparer Gilles qui devient le double de son père et descendre de « la branche ratée de sa vie ».
Dans ce premier roman, Adeline Dieudonné, Grand Prix du concours de la Fédération Wallonie-Bruxelles, regarde, avec une grande acuité, un monde glauque et étouffant à travers les yeux d'une enfant intelligente, courageuse et imaginative, qui a choisi Marie Curie pour figure tutélaire. La fraîcheur et la spontanéité du ton sont sans tabou ni complaisance ; l'imagination, la fantaisie des trouvailles, souvent teintées de poésie, de ce paysage intérieur rehaussent la noirceur tragique d'un univers irrespirable où le pire semble possible, voire certain, et qui parfois coupe le souffle. Un livre qu'on ne lâche pas ! (D.D. et M.-C.A.)
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