jeudi 17 novembre 2016

Les nouveautés de Novembre 2016






      1. Le dernier des nôtres : une histoire d'amour interdite, à l'époque où tout était permis

Auteurs : CLERMONT-TONNERRE Adélaïde de
Paris : Grasset, 2016
Werner naît à Dresde en 1945, sous le feu des bombes. Sa mère meurt en le mettant au monde. Ses dernières paroles sont : « Il s’appelle Werner. Werner Zilch. Ne changez pas son nom.
Il est le dernier des nôtres ». D’abord recueilli par sa tante Marthe, il est adopté à l’âge de trois ans par un couple franco-américain dans le New Jersey. Vingt-quatre ans plus tard, Werner est devenu un jeune homme séduisant, sûr de lui et papillonnant de femme en femme. Avec son ami Marcus, il compte bien faire fortune dans l’immobilier et prendre sa part du « rêve américain ». Sa vie bascule le jour où il a le coup de foudre pour Rebecca Lynch. Elle est belle, riche, artiste, et fréquente tout le gratin new-yorkais. Lorsqu’elle décide de présenter son amoureux à ses parents, sa mère croit reconnaître en Werner les traits de l’homme qui lui a fait vivre un enfer à Auschwitz. L’idylle vole en éclats et Rebecca disparaît pendant un an. A son retour, elle est différente…
Ce deuxième roman d’Adélaïde de Clermont-Tonnerre nous entraîne dans un tourbillon haletant où le présent ne parvient pas à effacer le passé, où le bien est en butte aux pires difficultés pour triompher du mal. Le sous-titre, « une histoire d’amour interdite au temps où tout était permis », renvoie à la fin des années soixante et début des années soixante-dix ...

      1. La suture

Auteurs : DAULL Sophie
Paris : Philippe Rey, 2016
198p.
Après avoir écrit un livre bouleversant sur la mort brutale de sa fille de seize ans (Camille, mon envolée, NB décembre 2015), Sophie Daull reprend la plume pour évoquer le passé de sa mère, Nicole, morte tragiquement à quarante-cinq ans, une femme très secrète qui a toujours occulté sa vie avant son mariage. Elle dispose de peu d’indices : une boîte à chaussures contenant quelques photos, huit cartes postales, et des bulletins de paie. À partir de ces maigres pistes, elle entreprend un pèlerinage dans les lieux où a vécu sa mère, et brode le récit de son existence depuis sa naissance en 1939 près de Coulommiers, jusqu’à son assassinat inexpliqué en Janvier 1984.
Dans un style très personnel, à la fois familier et poétique, elle saisit toutes les occasions de rapprocher Nicole et Camille, de façon à leur donner à toutes deux une réalité dans le souvenir. Beaucoup d’extrapolation sur le destin tragique de cette femme sans relief dans ce récit linéaire qui nous émeut sans excès. (E.L. et N.C.D.)

      1. Désorientale

Désorientale    
Auteurs : DJAVADI Négar
Paris : Liana Levi, 2016
346p. Collection : Littérature Française
Hôpital Cochin. Kimiâ suit un protocole de PMA. Elle a caché que l'enfant qu'elle espère avoir avec Pierre sera élevé par deux mères. L’attente est propice à la rêverie, au retour vers un passé familial en Iran. Ses parents, intellectuels opposants au Shah puis à Khomeiny, sérieusement menacés de mort, choisissent l’exil en France en 1981. Les souvenirs se bousculent : l'arrière-grand-père aux yeux bleus et ses cinquante-deux épouses, ses grands-mères dont l’une est arménienne, son oncle préféré si différent de ses frères, ses deux soeurs, Darius et Sara, parents exceptionnels : famille atypique, foisonnante et chaleureuse. 
 Désorientale (excellent titre) est le premier roman de Négar Djavadi, scénariste et metteur en scène, née en Iran en 1969. Un roman qui sonne incroyablement réel et juste, donnant à penser qu'il est en partie autobiographique. Les pistes sont nombreuses, on pénètre dans un véritable labyrinthe où se révèle la personnalité de celle qui, désormais Désorientale, veut museler sa culture persane, mais garde la nostalgie d'un paradis perdu. L'auteur, qui écrit en français, a magistralement rendu le lien sensuel unissant la narratrice à son pays natal. L'écriture directe, drôle, originale, sert parfaitement ce texte émouvant et passionnant qu’on ne lâche pas. (A.-C.C.-M. et M.-C.A.)


      1. Éclipses japonaises

Auteurs : FAYE Éric
Paris : Ed. du Seuil, 2016
228p.
1977 : Naoko, collégienne japonaise de treize ans, est brutalement enlevée au retour de l’école. À la même période d’autres victimes, hommes et femmes de tous âges, connaissent le même sort et se réveillent en Corée du Nord. Contraints de devenir officiellement Coréens, ils doivent aussi enseigner tout ce qui concerne le Japon à de jeunes militaires quasi mutiques. Une vie « aveugle » commence, sans explication, sans intimité, sans aucun contact avec leur passé, sans le moindre espoir de revenir chez eux. 1987 : une jeune Coréenne qui se dit japonaise fait exploser un avion. Quel lien avec les enlèvements de naguère ?
Le roman d’Eric Faye (Il faut tenter de vivre, NB novembre 2015) est né de la confrontation de nombreux livres et de films documentaires sur les agissements très secrets de la Corée du Nord. Il donne vie, avec intensité, à des personnages variés – les femmes sont particulièrement attachantes et émouvantes – évoquant avec réalisme des situations de cauchemar, difficiles à croire, surtout à l’échelle d’un État et pour si peu de résultats. Un récit austère, sobre et puissant où les protagonistes racontent tour à tour leur histoire et d’où l’on sort troublé malgré une fin apaisée. (M.-C.A. et M.Bi.)


      1. Petit pays

Prix du premier roman 2016
Auteurs : FAYE Gaël
Paris : Grasset, 2016
Gaby est né au Burundi. Son père est français. Sa mère, une élégante tutsie, est rwandaise. Vivant en France depuis vingt ans, il se souvient d'une petite enfance choyée et libre dans un pays splendide. Mais bientôt ses parents se sont séparés et, tout autour, l'atmosphère s'est dégradée : coup d’État, affrontements meurtriers entre Tutsis et Hutus, afflux de réfugiés venus du Rwanda au printemps 1994. Partie à la recherche de ses proches, sa mère a découvert là-bas d’innommables charniers. Elle a disparu. Confiné, isolé, l’adolescent, réfugié dans la lecture, doit s'exiler.
Chanteur et compositeur, Gaël Faye signe un premier roman à partir d'éléments autobiographiques. Deux thèmes dominent : la difficulté d’assumer un double héritage et la hantise des événements tragiques du génocide. Nostalgie du pays et souffrance affective poussent le narrateur à revenir au pays dans l'espoir que le souvenir idyllique de l’enfance exorcise le traumatisme...








      1. La Vengeance des mères

Auteurs : Jim FERGUS
LE CHERCHE MIDI, 22 sept. 2016
1875. Dans le but de favoriser l'intégration, un chef cheyenne, Little Wolf, propose au président Grant d'échanger mille chevaux contre mille femmes blanches pour les marier à ses guerriers. Grant accepte et envoie dans les contrées reculées du Nebraska les premières femmes, pour la plupart " recrutées " de force dans les pénitenciers et les asiles du pays. En dépit de tous les traités, la tribu de Little Wolf ne tarde pas à être exterminée par l'armée américaine, et quelques femmes blanches seulement échappent à ce massacre.
Parmi elles, deux sœurs, Margaret et Susan Kelly, qui, traumatisées par la perte de leurs enfants et par le comportement sanguinaire de l'armée, refusent de rejoindre la " civilisation ". Après avoir trouvé refuge dans la tribu de Sitting Bull, elles vont prendre le parti du peuple indien et se lancer, avec quelques prisonnières des Sioux, dans une lutte désespérée pour leur survie.
Avec cette aventure passionnante d'un petit groupe de femmes prises au milieu des guerres indiennes, Jim Fergus nous donne enfin la suite de Mille femmes blanches. Le miracle se produit à nouveau et cette épopée fabuleusement romanesque, véritable chant d'amour à la culture indienne et à la féminité, procure un incommensurable plaisir de lecture.


      1. La valse des arbres et du ciel

Auteurs : GUENASSIA Jean-Michel
Paris : Albin Michel, 2016
297p.
Été 1890 : c’est le dernier été de Vincent Van Gogh avant son suicide. Il séjourne dans une auberge à Auvers-sur-Oise. Il est suivi pour ses troubles par le docteur Gachet, grand amateur de peinture. Souvent reçu chez ce dernier en ami, il y fait la connaissance de sa fille Marguerite, féministe avant l’heure, peintre médiocre mais excellente copiste, qui tombe amoureuse de lui, et se laisse séduire malgré lui. Mais le docteur ne voit pas cet amour d’un bon oeil…
On lit le livre sans ennui mais perturbé par cet éclairage – fût-il romancé – qui dérange fortement les idées reçues sur la mort de Van Gogh, son caractère, et sur ce Dr Gachet qu’on imaginait comme un bon docteur ami et protecteur des peintres. Le rôle et la présence dominante de Marguerite – qui n’apparaît dans la vie réelle de Van Gogh que dans son portrait au piano, jamais dans ses centaines de lettres ni dans les polémiques actuelles sur la remise en question du suicide – sont prétexte à un portrait de femme rebelle face à la condition féminine de l’époque. L’introduction de la fiction dans la biographie, procédé parfois réussi, empêche ici d’éprouver une véritable émotion. (M.-N.P. et C.R.P.)


      1. Laëtitia

Prix Médicis 2016
Auteurs : JABLONKA Ivan
Paris : Ed. du Seuil, 2016
383p. Collection : La librairie du XXIe siècle
Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, Laëtitia, dix-huit ans, est enlevée, assassinée, démembrée par un marginal multirécidiviste. Nées d’un père violent et d’une mère dépressive, elle et sa soeur jumelle, à laquelle le livre est dédié, avaient été placées dans différents foyers, puis dans une famille. On découvrira que le père d’accueil, sous couvert d’amour paternel, abusait d’elles…
Sociologue et historien, Ivan Jablonka s’est investi avec délicatesse, sensibilité et une authentique compassion dans cette étude socio-politique, véritable « mission de service public », de ce fait divers largement médiatisé. Des portraits croisés, des retours en arrière dessinent la personnalité de ces jumelles indissociables, en manque de structure, en demande d’amour et de stabilité. Son analyse souligne les inégalités sociales, la maltraitance des femmes et reconnaît le professionnalisme des services de police. Elle dénonce également les lacunes judiciaires mais surtout l’instrumentalisation et la récupération politique de ce drame par Nicolas Sarkozy. La grande qualité de l’écriture, la pudeur avec laquelle sont rapportées les abjections subies par la jeune victime évitent tout voyeurisme. Ni roman, ni essai, ni journalisme d’investigation, ce livre inclassable est un hommage fort et grave à Laëtitia "ressuscitée", rendue à sa vraie place. (A.C. et M.-N.P.)


      1. Brunetti en trois actes

Auteurs : LEON Donna
Trad. de l' anglais par Gabrielle Gamberini.
Paris : Calmann-Lévy, 2016
À la Fenice, l’opéra de Venise, la diva Flavia Petrelli chante la Tosca. Comme ailleurs elle est inondée de roses jaunes, sans nom d’expéditeur, ce qui l’inquiète. Peu après elle reçoit un collier de prix. Logée chez le marquis d’Istria, désormais marié et jadis son amant, elle dîne chez lui avec le commissaire Brunetti. Une jeune chanteuse à qui elle avait dit quelques mots aimables est agressée. Le marquis d’Istria reçoit des coups de couteau. Brunetti suit les deux affaires qu’il pense liées à Flavia dont l’angoisse grandit.
Le dénouement de intrigue un peu mince, dans les toutes dernières pages, laisse perplexe. L’auteur, à son habitude, nous promène dans la ville, cite des noms de ponts, de rues, de canaux, s’émerveille de la beauté des monuments et s’interroge sur la sensibilité des Vénitiens, mais sans surprises ni rebondissements spectaculaires. Brunetti comme toujours se préoccupe de sa famille, de quelques curieuses manipulations qu’il constate à la questure dont il dépend et mène une enquête tranquille. (M.F. et A.Be.)


      1. Les trois saisons de la vie

Auteurs : RAGUÉNÈS Joël
Paris : Calmann-Lévy, 2016
376p.
Finistère, Ancien Régime. Marie, fille de cultivateurs, éduquée par son frère séminariste, trouve très jeune un emploi dans une famille bourgeoise à Morlaix. Belle et intelligente, elle gravit l’échelle sociale en épousant un fils de drapier prospère et met au monde deux enfants qui mourront en bas âge. Lorsque s’instaure la Terreur, son mari est guillotiné. Elle surmonte les épreuves, devient aubergiste et prend en charge des neveux orphelins. Son second mariage avec un boulanger est un échec qu’elle assume vaillamment pour aborder la troisième saison de sa vie...
L’auteur de La Dame de Roz Avel (NB janvier 2014) part de sa propre histoire familiale, s’appuyant sur la Révolution, l’Empire et la Restauration pour faire le portrait de son aïeule. Ambitieuse, cette femme déterminée serait exemplaire d’une volonté de libération féminine. Sans surprise notable, l’auteur déroule un parcours édifiant en dépit des obstacles. Peu de surprises dans ce récit, sous-tendu par les violences et la dureté des rapports familiaux, ou une solidarité contre les mauvais coups du sort, les maladies, les deuils. Simple et nostalgique saga familiale édulcorée sans complexe.  (M.Bi. et J.C.-N.)


Babylone Prix Renaudot 2016
Auteurs : REZA Yasmina
Paris : Flammarion, 2016
218p.
Élisabeth, soixante ans, ingénieur brevets à l’Institut Pasteur, mariée à Pierre, porte un regard désabusé sur sa vie sans éclat, sans drame ni grand bonheur. Dans son immeuble, elle s'est fait un ami et confident : Jean-Lino, le voisin du dessus. Pour tenter d’échapper à la routine, elle invite une quarantaine de collègues et connaissances chez elle à un cocktail dînatoire. Jean-Lino et sa femme Lydie, qui prêtent leurs chaises, sont aussi de la fête. La soirée finie, les convives repartis, on sonne à la porte en pleine nuit...
De façon inattendue, Yasmina Reza (Heureux les heureux, NB mars 2013) revisite habilement certains codes du roman noir pour créer un suspense et intriguer le lecteur. Mais on reconnaît vite l'ironie implacable de l'auteur, son sens de la dramaturgie et la profondeur psychologique de ses personnages : des gens ordinaires, plus très jeunes, résignés, résistant maladroitement au vieillissement. L'histoire centrale se dévoile lentement, par approches et éloignements successifs. Les souvenirs imbriqués créent une montée progressive du tragi-comique dans le quotidien et débouchent sur un surprenant dénouement hitchcockien. Un roman original, bien écrit, bien construit. (T.R. et M.-S.A.)


      1. Tout n'est pas perdu

Auteurs : WALKER Wendy
Trad. de l' anglais par Fabrice Pointeau.
Paris : Sonatine, 2016
345p.
À Fairview, petite ville aisée et tranquille du Connecticut, Jenny, quinze ans, subit une violente et longue agression sexuelle. À l’hôpital, des médicaments l'aident à oublier, mais son comportement reste inquiétant. Le psychiatre estime que pour effacer le traumatisme toujours présent, il faut la faire parler, seule ou en groupe. Il reçoit aussi, régulièrement, ses parents. La mère est loin d’être aussi parfaite qu’elle en a l’air et le père n’a qu’une obsession, retrouver le coupable. Les indices sont bien minces.
Dans ce premier roman traduit en français de Wendy Walker, avocate dans le Connecticut, l’enquête sur ce crime odieux est menée par le médecin à partir des révélations de ses patients sur le fameux divan propice aux confessions. Il y réfléchit longuement, étudiant les faits, traquant les moindres non-dits, découvrant des secrets bien cachés sous les allures respectables. Il manipule aisément le policier dans ses recherches. Dans ce livre qui s’étire en longueur, on progresse très lentement vers la découverte du coupable inattendu d’un viol sans cesse ressassé, dans un climat pesant. (C.-M.M. et B.T.)


      1. L'homme qui voyait à travers les visages

L'homme qui voyait à travers les visages    
Auteurs : SCHMITT Eric-Emmanuel
Paris : Albin Michel, 2016
420p.
Augustin, jeune stagiaire minable d’un journal de Charleroi, est témoin d’un attentat terroriste. Il a un don étonnant qui lui permet de voir les morts qui nous accompagnent et offre une piste à la police qui reste cependant très circonspecte. Le jeune homme cherche aussi des réponses, aidé d’une juge loufoque et de l’écrivain Eric-Emmanuel Schmitt qui lui révèle ce qu’il pense de Dieu et des hommes et le pousse à une expérience extraordinaire.
Après La nuit de feu (NB octobre 2015), récit d’une « extase mystique », Eric-Emmanuel Schmitt poursuit son questionnement spirituel dans un roman astucieusement mené, au travers d’une intrigue inspirée par l’actualité, après les attentats bien réels qui font régner la peur et la suspicion. Le scénario est original car l’auteur se fait personnage de l’histoire : ainsi, de manière libre et très accessible, il pose ses interrogations profondes sur Dieu, le bien, le mal, la liberté de l’homme… disserte sur les religions, la création littéraire. Ce conte philosophique ancré dans un triste réel, emporté par une écriture fluide et facile, jamais dénué d’humour et marqué par un brin de narcissisme (évidemment assumé !) peut inciter à la réflexion. Un roman humaniste, pas toujours convaincant, très souvent pertinent. (B.V. et M.Bo.)

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